Pourquoi le Surmoi se fait-il penser comme Un ?

Jean-Richard Freymann

Dès que l’on se met en position de tâcheron affrontant toute la littérature concernant le Surmoi, se produit un effet de brouillage qui tient au thème lui-même. Grâce à Freud, on glisse à l’idéal du Moi, à la Censure, voire à la résistance et par Lacan on pourrait penser qu’à l’élan et à la métonymie du désir s’oppose un Surmoi de granit “ obscène et féroce ”, qui veille sur un Moi jamais à la hauteur de ses tâches identificatoires. Si d’aventure on s’extasie sur la clinique de Mélanie Klein et sur son surmoi pré-œdipien, le mélange est à son comble, aidé en cela par Winnicott, Abraham, Ferenczi et bien d’autres… L’enfant déjà souffre de sa névrose !

Aura-t-on constaté qu’il s’agit là d’un vrai concept — au sens où l’on en pense toujours que les autres ont plus… théorisé… ? Concept donc peu opératoire pour peu qu’au moins on ne le considère pas en couple : Surmoi-Conscience morale, Surmoi-Ego, Idéal du MoiSurmoi, Moi Idéal-Surmoi, désir-Surmoi, Jouissance-Surmoi…

Cet effet de binarité, voire marital, tient peut-être à sa place dans le devenir de la cure analytique : à savoir que l’on ne s’en débarrasse jamais tout à fait dans ses effets, voire de ses méfaits et de ses bienfaits sociaux.

On pourra alors se demander de manière plus structurale si sa pesanteur ne tient pas à son arrimage dans l’automatisme de répétition et si sa fonction d’inquisition n’est pas le mise en battement de cette mesure entre l’ancrage idéalisé de la fonction paternelle et du Moi troué en quête d’identifications primordiales, toujours exilées. Et c’est pourtant au lieu où le Moi n’est pas à la hauteur que du sujet peut se signifier et du désir “ pulsionner ”.

Les poussées du Surmoi permettent de faire penser dans les situations réelles les plus naufragées qu’il est une réalité commune, que nous sommes tous sur le bateau (même s’il s’agit d’un “ radeau de la Méduse ”) et qu’il y a “ quand m’aime ” des valeurs sûres.

Il n’en demeure pas moins que la place structurale du Surmoi n’explicite pas les différentes fonctions qu’on lui attribue. Quelles articulations ou déliaisons entre ces multiples actions :

1) L’irruption des mots de l’autre ont d’emblée une fonction injonctive dont le parlêtre (en second) aura à se déprendre. Serait-ce le ton qui fait la musique ?

2) Dans la psychologie collective, serait-ce ainsi uniquement cette suture entre l’idéal du Moi et l’objet “ a ” qui donnerait un tel poids surmoïque au leader ?

3) Quel est ce Surmoi inconscient qui dans la conflictualité d’instances de la névrose permettrait de si puissantes créations symptomatiques ?

4) Comment le Surmoi pourrait-il ainsi exiger la jouissance alors même qu’il tendrait à ravager l’inertie hédoniste ? Ses tentacules infiltrent-elles le “ principe de plaisir ” ou le “ principe de réalité ” ?

5) Les constitutions désirantes dans la cure analytique minimisent-elles la force du Surmoi et ses effets symptomatiques ?

A se demander aussi si l’amour des paramètres du Surmoi ne va pas faire dériver de la place du savoir Inconscient vers l’appât de la connaissance bien consistante.